La
bataille de Jérusalem
Shmuel
Trigano
27 juillet 2009
Il
y a quelques jours nous avons appris que Barak Obama considérait
Jérusalem « Est » comme une colonie. Le ministre
français des affaires étrangères lui a aussitôt
mimétiquement emboité le pas en convoquant l’ambassadeur
d’Israël pour lui intimer de cesser immédiatement
toute « colonisation » de la ville. Il est fort probable
que l’Union européenne le suive de sorte qu’une
unanimité mondiale risque de peser sur Israël, jusqu’à
l’étouffer et surtout le diviser (1), car l’esprit
de la démission souffle sur ses élites comme sur les
élites occidentales.
C’est
le premier signe avant-coureur de la future bataille de Jérusalem
qui décidera de l’avenir de l’Etat d’Israël
et, par ricochet, du peuple juif dans son ensemble et du judaïsme.
Ce ne sont pas des terrains ni un espace qui sont en jeu quoique cette
dimension soit importante. Après la division de Berlin, ce
sera la première ville que la dénommée «
communauté internationale » entreprendra de rediviser.
L’ironie veut que ceux là même qui condamnent la
barrière de sécurité, destinée à
repousser le terrorisme sanglant que l’Autorité palestinienne
pratiqua durant des années contre la population civile israélienne,
sont ceux qui aspirent à reconstruire un mur dans Jérusalem.
Il
faut se souvenir de l’occupation jordanienne de 1948 à
1967 qui désécra les lieux saints juifs et bannit les
Juifs de la ville. La communauté internationale ne trouva aucune
raison de combattre ni même de condamner cette occupation, pourtant
contraire aux traités et aux lois internationales. Elle prît
fin avec l’agression de la Jordanie durant la guerre des 6 jours,
des suites de laquelle Israël se retrouva dans cette partie de
la ville. Si l’on prend aussi en compte la nature de la politique
de l’Autorité Palestinienne qui exclue toute possibilité
pour les Juifs ne serait-ce que de traverser le territoire sous sa
gouverne (2), il faut s’attendre qu’à l’est
de Jérusalem redivisée les Juifs soient de nouveau interdits.
Ceux
qui condamnent aujourd’hui ce qu’ils appellent le «
mur de l’apartheid » ont-ils jamais compris que la barrière
de sécurité vise à limiter le principe d’exclusion
ethnique qui régit la politique palestinienne, comme celle
de tout le monde arabe où les non musulmans sont en voie de
disparition, à commencer les chrétiens dans la Bethléem
islamo-palestinienne?
Mais
c’est plus qu’un territoire au demeurant infime qui est
en jeu, c’est un symbole capital pour la continuité juive
et la logique du judaïsme. En effet, ce sont le souvenir de Sion
et l’aspiration à y revenir qui furent les poutres maîtresses
de la continuité et de l’avenir des Juifs tout au long
d’un exil de 25 siècles. Jérusalem fut le point
fixe, le centre de la nébuleuse des diasporas. Ce n’est
pas un hasard que le sionisme se nomma en fonction de Sion et qu’il
finit par gagner l’assentiment de toutes les communautés
juives après la Shoah. Jérusalem est le cœur vibrant
de l’histoire d’Israël.
Ne
pas être de retour à Jérusalem et attendre la
réalisation de l’idéal prophétique, ce
qui fut le cas durant 20 siècles, est très différent
d’être à Jérusalem et d’y renoncer
ou d’être contraint à y renoncer, ce qui pourrait
être le cas demain. Ce serait porter atteinte au symbole clef
de l’architecture du peuple juif et du judaïsme, sans compter
le principe même de l’existence et de la légitimité
morale et historique de l’État d’Israël :
le sionisme dépouillé de Sion. Le souffle prophétique
qui anime le peuple juif serait alors voué à se retourner
contre son âme jusqu’à l’étouffement
et l’on pourra s’attendre à sa décomposition
comme un château de cartes d’où l’on aura
retiré la pièce maîtresse. Une forme de suicide
symbolique.
Que
ce soit le désir ardent du monde arabo-musulman dans sa majorité,
ce n’est pas dubitable. Est-ce le vœu du monde occidental,
en proie à la rémanence de son héritage chrétien
archaïque ? C’est cette question qu’il faut poser
à ceux qui disent avoir le souci du destin des Juifs.
Ce
qui se trame dans les projets de la « communauté internationale
», c’est tout simplement le déclassement du peuple
juif, non plus défini comme un sujet souverain de l’histoire
mais comme une cause humanitaire à laquelle on concède
le privilège d’exister du fait de sa souffrance. Ce serait
la chute d’Israël, de la stature d’Etat souverain
à celui de camp de réfugiés humanitaire pour
rescapés de la Shoah, le déni du principe de souveraineté
de l’Etat d’Israël. On a remarqué comment
Barak Obama a significativement enchaîné son discours
obséquieux du Caire avec la visite de Buchenwald. Il ne pouvait
mieux exprimer ce qu’il pense de la légitimité
de l’Etat d’Israël : victimaire et non historique,
un Etat croupion sous tutelle internationale, un camp de personnes
déplacées. Prend-on la mesure de la monstruosité
intellectuelle et historique de ces discours qui définissent
la présence d’Israël à Jérusalem comme
une présence « coloniale » ? Si Jérusalem
est bien Jérusalem, c’est bien grâce à 30
siècles d’histoire juive ! Cette définition coloniale
entraîne, en fait, la stigmatisation coloniale de tout l’Etat
d’Israël dont Sion, la colline de Jérusalem, est
le symbole (3) et donc la contestation inéluctable de sa moralité.
Depuis
dix ans, nous assistons à la mise en place progressive d’un
décor qui met en scène l’extermination par étapes
de six millions d’Israéliens (application du programme
fondamental de l’OLP, le « plan par étapes »,
décidé en 1974 (4)) par le biais de l’affaiblissement
de l’Etat d’Israël: accusé d’un «
péché originel » (sic) dans sa conception même,
assimilé à l’Afrique du sud de l’apartheid,
trainé dans la boue, objet de boycott, condamné s’il
réagit aux agressions et abandonné quand il est sous
le feu de ses ennemis (5). Aux dernières nouvelles le «
livre de l’été » des libraires français,
couvert de prix et objet de multiples célébrations,
vient porter le coup de pied de l’âne en « prouvant
» que le peuple juif fut une invention des sionistes. C’est
la pièce finale, nécessairement écrite par un
Israélien aussi complaisant qu’incompétent (6),
pour sonner « moralement » l’hallali !
Ce
qui est en jeu, c’est la liberté de l’homme juif.
Le pronostic vital du peuple juif est aujourd’hui engagé,
il faut le dire avec force et voir plus loin que son nez, comprendre
ce qui se trame.
Les
Juifs du monde entier doivent sortir de leur réserve et affirmer
avec force leur existence de sujets à part entière de
l’histoire, jeter aux ordures les oripeaux d’éternelles
victimes sacrificielles dont on veut les affubler et crier mais aussi
mettre en oeuvre leur refus d’assister passifs à ce cauchemar
en voie de réalisation. Ils ne doivent pas avoir de cesse de
faire la démonstration de leur solidarité indéfectible
avec Jérusalem et de leur réprobation face à
toutes ces menées. Au terme de dix années de harcèlement
moral, depuis la deuxième Intifada, le seuil de tolérance
de la conscience juive va bientôt être franchi !
Je
propose comme maxime pour la décennie à venir la parole
du prophète Isaïe (62,1) :
«
POUR SION JE NE ME TAIRAI PAS !
POUR JÉRUSALEM JE NE RESTERAI PAS SILENCIEUX !» (7)
Shmuel
Trigano le 27 juillet 2009
*Texte
initialement prononcé sur Radio J le vendredi 24 juillet 2009.
Notes
:
1
- Il n’est que de voir la stratégie d’Obama qui,
pour le soutenir dans son ukaze, a invité, en juillet 2009,
à la Maison Blanche des organisations juives triées
sur le volet en prenant soin d’éliminer toutes celles
qui risquaient de trop soutenir Israël. Inutile de rappeler qu’il
est déjà entouré de conseillers « d’origine
juive », appelés à faire la sale besogne dans
leur propre milieu. Ainsi se donne-t-il une estampille de bon aloi
de la part de Juifs de circonstance. Il avait adroitement préparé
le terrain en organiant un seder de Pessah à la Maison Blanche
puis en décrétant en mai-juin, le « mois du judaïsme
américain ». Tout flatteur vit aux dépens de celui
qui l’écoute... A quand la même opération
en France ?
2
- C’est uniquement sous le gouvernement d’Israël
que Jérusalem a été ouverte à toutes les
religions sans discrimination. Au point que l’Etat a confié
au wakf islamique, profondément antisémite, la maîtrise
du Mont du Temple. On se souvient que même sous la domination
israélienne, celui ci, sous la houlette de l’imam de
l’Autorité Palestinienne, a détruit de très
précieux restes archéologiques juifs du sous-sol du
Mont qu’il a jeté dans un dépôt d’ordures
où les archéologues israéliens sont allés
récupérer patiemment des vestiges inestimables.
3
- L’agence de l’OLP, WAFA, a récemment déclaré
(12/7/2009) que la réunion du gouvernement israélien
à Birsheva, une ville située à l’intérieur
des frontières d’Israël de 1949, affirmait la volonté
d’Israël de judaïser le Negev. On ne peut mieux dire
l’irrédentisme palestinien et son refus de la paix. Voir
notre démonstration par les textes in Controverses, n°7,2008,
« Le refus palestinien d’un Etat juif », http://www.controverses.fr/pdf/n7/trigano7.pdf
4
- Cf. http://www.objectif-info.com/index.php?id=299;
http://www.col.fr/article.php3?id_article=270;
http://www.desinfos.com/spip.php?page=article&id_article=2742
5
- La tonalité morale dans laquelle se drapent les réprobations
d’Israël est définitivement frelâtée.
On aura noté que la récente « bavure » de
l’Amérique d’Obama au Pakistan faisant 100 morts
civils, n’a suscité aucune indignation internationale
ni médiatique. On aura remarqué que l’occultation
et la minorisation par l’ONU de dizaines de milliers de civils
tamouls tués par l’Etat du Sri Lanka est passée
inaperçue et que dire de la France et de son ministre des affaires
étrangères, si féru de « droits de l’homme
», de la France dont la responsablité dans le génocide
du Rwanda fut lourdement engagée (cf. Controverses,n° 6,
novembre 2007, Dossier « Génocide du Rwanda, la faute
de Mitterrand », http://www.controverses.fr/Sommaires/sommaire6.htm)
! Nous devons commencer à faire le procès des turpitudes
des grands moralistes de notre temps, pour rétablir la mesure
des choses...
6
- Le professeur Shlomo Sand n’a aucune compétence académique
pour traiter des matières qu’il aborde. Cf. mon cours
sur l’histoire du peuple juif sur le site de Akadem, le campus
numérique.
http://www.akadem.org/sommaire/themes/histoire/7/2/module_6051.php
7
- « Jusqu’à ce que son droit soit reconnu et son
salut brille comme une torche incandescente! » continue le verset.