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La montée du Front National

Shmuel Trigano Editorial sur Radio J du 14 janvier 2011

La montée en puissance du Front National imprime sa marque sur l’avenir politique de la France. Elle est le fruit légitime du politiquement correct orchestré par la bonne conscience de gauche depuis 25 ans. Le discours qu’elle a imposé sur toutes les scènes a à ce point-là obscurci les consciences qu’il est devenu une seconde nature au sein des générations plus récentes, qui ne jouissent pas du recul de l’expérience pour évaluer les choses.

L’image des Juifs est totalement impliquée dans cette évolution. Comme l’antisémitisme, très ancien, émanant du fondamentalisme islamique, ne pouvait pas être reconnu comme tel, du fait du politiquement correct, il s’est vu retourné contre ses victimes, accusées d’en être responsables, qui du fait de l’agressivité supposée de la communauté juive, qui du fait de la culpabilité de principe d’Israël. C’est ainsi qu’aujourd’hui l’hostilité ambiante envers l’islam a pour adresse immédiate la communauté juive, comme on le voit avec la critique démagogique de l’abattage rituel ou de la circoncision. Et puis, oser critiquer l’islam se trouve compensé par une critique réputée égale du judaïsme qui devient ainsi sa justification morale.

Tout cette critique s’adresse d’ailleurs à des leurres pour éviter de se confronter au vrai problème qui est celui de l’intégration de l’islam dans la communauté politique française, je dis bien de l’islam plus que des musulmans. Car c’est là le fondement du problème. Contrairement aux religions chrétiennes et au judaïsme, l’islam n’a pas été obligé de se réformer pour entrer dans l’Etat, comme ce fut le cas à l’époque napoléonienne avec le Concordat et le Grand sanhédrin. La réforme consistait en la dissociation dans ces religions de la religion et de la politique. Ce passage installa le cadre dans lequel elles se perpétuèrent par la suite.

De ce point de vue, la création du CFCM fut dès le départ entachée d’un défaut congénital : l’islam français s’est vu alors établi sous la forme d’un consistoire sans s’être réformé et avoir concrètement, symboliquement et juridiquement, renoncé à son caractère et à ses ambitions hautement politiques. La présence de l’UOIF à sa tête, malgré ses relations avec l’Organisation des Frères Musulmans en fut le signe inquiétant.

A partir de là, le fait que 60% des Français pensent que l’islam est une menace et 68% que les musulmans ne sont pas intégrés s’explique par une situation concrète qui, paradoxalement, confère un privilège de fait à l’islam, dont n’ont pas bénéficié les autres religions.
Tant que cette question, qui n’a rien à voir avec la religion ni la tolérance mais la politique et la nation, n’aura pas été résolue une fois pour toutes, la situation ne fera qu’empirer, présageant des lendemains de guerres d’identité et de religion.
Où se trouvera l’homme politique audacieux qui s’y attèlera ?

RadioJ, vendredi 14 janvier 2011.

Pour approfondir la question, du même auteur.

« Le système politico-symbolique du signe juif dans la vie politique française », in Controverses, n°10 (mars 2009) à télécharger à
http://www.controverses.fr/pdf/n10/trigano1-10.pdf

« Islam, islamisme, islamophobie : une clarification conceptuelle », in Controverses n° 12, novembre 2009, à télécharger à
http://www.controverses.fr/pdf/n12/trigano12-3.pdf

La démission de la République, Juifs et musulmans en France, P.U.F., 2003



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