Le débat
sur l’identité nationale
Shmuel
Trigano Editorial sur Radio J du 13 novembre
2009
Le débat sur l’identité nationale nous renseigne
sur l’état de la France. Les réactions à
droite comme à gauche sont en effet très significatives.
A
droite, il ne fait pas de doute que l’ouverture d’un tel
débat est portée par une manœuvre de la politique
politicienne qui fait preuve d’une désinvolture inquiétante
dans la gestion d’une question aussi grave et aux retombées
considérables. La lettre du ministre Besson qui institue officiellement
ce débat en détaillant les thèmes (1) qui doivent
y être abordés le confirme. Il y est question des valeurs
républicaines et démocratiques mais pas des contenus identitaires,
de sorte qu’on ne voit pas très bien en quoi la droite
se distingue ici de la gauche et on comprend encore moins les cris d’orfraie
poussés par cette dernière à cette occasion. Un
constat superficiel de l’état des lieux montre d’ailleurs
que la droite a désormais pour leitmotiv des slogans comme la
« diversité », la « discrimination positive
» et les « minorités visibles », autant de
concepts qui récusent la notion d’identité nationale.
S’il
y a une droite foie-gras, comme on le constate, que dit la gauche caviar
? Son discours domine les médias et la scène publique.
La simple évocation de l’identité nationale constitue
à ses yeux un immense scandale. Elle remet en branle le stratagème
imaginé par Mitterrand. En indexant cette question au Front National,
la gauche veut tout simplement interdire de poser la question, comme
si elle était un modèle de vertu et de moralité.
C’est
le même système que le gouvernement Jospin avait activé
pour interdire la reconnaissance de la vague antisémite des années
2000, en décrétant qu’il n’y avait d’antisémitisme
que du côté de Le Pen et du Front National - pas du côté
des ex-colonisés - de sorte qu’il fut décrété
officiellement qu’il n’y avait pas d’antisémitisme
en dépit de centaines d’agressions.
Or,
la question de l’identité nationale est brûlante.
Elle ne concerne pas seulement la loi démocratique ou la laïcité,
réellement en danger, mais aussi les contenus de l’identité
nationale que personne ne veut reconnaître ni assumer. Car l’identité
nationale c’est la République bien sûr mais aussi
la Nation, c’est à dire une histoire spécifique
qui représente une donnée incontournable.
Le
paysage que je viens de camper nous donne le spectacle d’une France
qui ne s’aime pas et est prête à se faire hara-kiri
sans pour autant aider les citoyens de fraîche date à s’intégrer.
Une
telle configuration est paradoxale pour les Juifs car leur identité
s’est forgée en s’adossant à l’identité
française – tant sur le plan des lois que de la culture.
Dès le moment où cette identité s’effondre,
c’est toute l’architecture identitaire du judaïsme
français qui vacille, au point que les Juifs deviennent, comme
je l’avais écrit en 1982, les « derniers Français
de France » Vous avez en effet remarqué comme nous sommes
devenus les plus grands républicains, les plus grands défenseurs
de l’universel, les plus grandes sentinelles de l’identité
française...
Il n’y a pas lieu de se réjouir de cette évolution,
à moins de trouver agréable le ghetto identitaire. C’est
un paradoxe car les Juifs ont souffert tout au long des 2 derniers siècles
du nationalisme français, des affirmations trop fortes de l’identité
nationale. Mais ils souffrent aujourd’hui du recul de cette identité
qui les isole dans la société face à d’autres
minorités identitaires autrement plus puissante, face à
un pseudo-multiculturalisme qui prône le culte des différences,
sauf de la différence juive. Ils apparaissent dans ce concert
bariolé comme une minorité à la nuque raide qui
fait obstacle à la fraternisation universelle.
Le
paradoxe est le suivant : la réaffirmation de l’identité
française – République et nation - apparaît
aujourd’hui, et pour ce temps, comme la seule politique capable
de défendre le judaïsme français dans le délitement
ambiant où il n’y a plus de références solides
ni de normes reconnues. Du moins dans la sphère de l’État.
Espérons un sursaut et un réveil de la société
civile !
Note
(1) Voir le guide pour la conduite des débats : http://www.bakchich.info/IMG/pdf/debat-identite-nationale.pdf
*Editorial
sur Radio J le 13 novembre 2009.