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Ombres et lumières sur la guerre d’Algérie en France
(1962-2005)

 

Publié dans le numéro 2, juin 2006

Raphaëlle Branche

Université de Paris-1, maître de conférences à l’Université de Paris I¬Sorbonne, Centre d’histoire sociale du XXe siècle, auteur de La Guerre d’Algérie : une histoire apaisée ? (Seuil, 2005).

 

Premières pages

«Ombres et lumières sur la guerre d’Algérie en France» ? Effectivement, on a bien l’impression que la guerre d’Algérie a été vécue en France, depuis 1962, dans une alternance de moments d’ombres (silences, oublis mais aussi ombres menaçantes et planantes sur les débats publics, sur l’actualité, sur la réalité quotidienne de certains Français qu’on pense à l’état d’urgence mis en place en octobre 2005 par exemple) mais aussi de moments de lumières qui ont plus souvent été des moments où la guerre d’Algérie se retrouvait sous les projecteurs d’une lumière essentiellement médiatique que des moments où la lumière aurait été celle d’un éclaircissement, d’une clarification des enjeux et de la connaissance de ce passé.

Ces rythmes d’émergence de la guerre d’Algérie dans la société française sont décennaux et, globalement, sans relation avec ce qui se passe en Algérie. En revanche il y a bien une histoire de cette mémoire enchâssée dans une plus vaste mémoire nationale, notamment en relation avec le passé que l’on com¬mence à identifier comme problématique à partir de la fin des années 1960 : le passé de l’État français, de Vichy.

On comprend ainsi pourquoi la question de la place de l’État dans les pro¬blèmes de mémoire et dans les dispositifs de reconnaissance est cruciale. Le problème est en même temps noué d’une manière beaucoup plus complexe pour la guerre d’Algérie que pour Vichy dans la mesure où l’État qui aurait éven¬tuellement failli (que ce soit en termes d’actions concrètes accomplies pendant la guerre, ou de discours tenus sur les actions tenues), cet État est le même que celui dont on attend réparation. Il est le même au sens très précis où le régime républicain dans lequel nous vivons depuis 1962 est aussi celui sous lequel a été menée la moitié de la guerre d’Algérie. C’est pourquoi, après avoir présenté les rythmes de mémoire, je m’attarderai, dans un second temps, sur la question plus spécifique du rôle de l’État dans cette histoire nationale.

Chronologie de la mémoire de la guerre

La première décennie qui suit la guerre est caractérisée, dans un premier temps, par un relatif désintérêt public pour la question de la guerre d’Algérie. Des événements comme la censure du film de Pontecorvo, La Bataille d’Alger, lion d’or à Venise en 1966, témoignent cependant que la question est brûlante et encore actuelle. Quand la guerre d’Algérie émerge dans le débat public, c’est d’ailleurs d’abord ainsi : comme une question d’actualité, avec les différentes amnisties qui ont lieu de 1964 à 1968 (cette dernière aboutissant au retour en France des membres de l’OAS ayant choisi l’exil ou à la sortie de prison des condamnés).

Cette première décennie est celle d’une présence de la guerre pas complètement finie, dont le sens n’a pas été complètement bouclé par l’État et dont les acteurs n’ont pas encore complètement acquis un nouveau statut social.

À partir de la fin des années 1960, plusieurs événements témoignent du fait que la guerre n’est pas finie. À côté des amnistiés, les anciens combattants luttent aussi pour la reconnaissance de leur statut. En 1968, ils obtiennent officiellement la reconnaissance de la nation et en 1974, enfin, la carte d’ancien combattant.

On peut aussi inclure dans la même catégorie d’événement les premières manifestations et grèves de la faim dans les camps où les anciens harkis ont été installés dans le Sud de la France, en 1974 et 1975.

Le début des années 1970 voit émerger un important débat par livres interposés sur la pratique de la torture pendant la guerre et ses éventuelles justifications. Les termes de la controverse comme ses principaux acteurs témoignent aussi de la reproduction de ce qui s’est passé pendant la guerre, notamment en 1957, autour de l’action des troupes du général Massu à Alger. (...)

 


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