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Le fondement identitaire des événements de novembre 2005

 

Publié dans le numéro 1 en Mars 2006

Georges Gachnochi

Georges Gachnochi, psychiatre, psychanalyste, auteur de nombreux articles dans le champ de la psychiatrie infanto-juvénile et de la psychanalyse.

Premières pages


Sur un plan général, on assiste à l’arrivée massive dans les pays occidentaux, tout particulièrement européens, de populations non seulement culturellement très hétérogènes, mais surtout souvent très hostiles ou envieuses par rapport à la culture occidentale. Divers facteurs y contribuent. La prétention de posséder, en tant qu’anciens colonisés, une créance sur les pays européens est renforcée par l’attitude de contrition d’une partie importante de la classe politique et intellectuelle de ces pays, en France plus qu’ailleurs. La Loi Taubira ou les protestations contre la loi de février 2005, appuyées sur la prétention d’un Bouteflika à dicter la politique française, constituent des injonctions à considérer la colonisation, les guerres coloniales et l’esclavage lié à la « traite atlantique » comme des exceptions de l’Histoire. Par conséquent, les migrants extra-européens sont invités à revêtir (par procuration à travers les siècles) une identité exclusive de victimes créancières, aussitôt arrivées, de leurs hôtes. La télévision permet aux peuples extra-européens de constater la différence de niveau économique entre leur pays et le monde occidental, ce qui suscite l’envie et l’illusion qu’il suffit de vivre en Occident pour accéder d’emblée à tous ses luxes, et que l’« ascenseur social » y est un ascenseur exprès.

De nombreuses populations arrivées au cours de l’histoire dans des pays plus développés avaient intégré les dimensions du temps et de l’effort dans leur volonté légitime d’ascension sociale. Contrairement à elles, de nombreux membres de la seconde génération de l’immigration africaine (du Nord mais aussi du Sud, essentiellement en ce qui concerne les musulmans) considèrent que l’ascension sociale doit être immédiate, et notamment être indépendante de l’effort scolaire. Ainsi, nombreux sont ceux parmi les jeunes générations qui se voient coincés entre deux solutions. L’une est l’aspiration à la consommation comme idéal – aspiration qui ne peut être que très modérément satisfaite, sauf à devenir délinquant avec entrée dans une économie parallèle, délictuelle ou criminelle, qui rapporte évidemment bien plus qu’un salaire d’employé ou d’ouvrier… C’est un problème qu’aucune « discrimination positive » ne peut résoudre. Au contraire elle est susceptible d’aggraver les tensions. L’autre voie proposée est celle d’une « transcendance » islamiste empreinte de violence, d’intolérance voire de haine, en même temps que d’un sentiment de supériorité sur les « non-croyants ». Dans les deux cas, il s’agit de solutions marquées au minimum par une immaturité narcissique, au pire par un narcissisme qualifiant sans presque de contrepartie les instances idéales. Le fameux « respect », mot mal traduit de l’Arabe littéral karama qui est un concept ayant notamment le sens de « noblesse », « orgueil », avec une nuance de domination sur l’autre, est un signifiant qui à la fois met en évidence les positions narcissiques traduisant la prédominance du moi idéal sur l’idéal du moi et contribue à les renforcer.
A ce propos, l’idée que le racisme est la plus grande cause de l’échec de l’intégration sociale de ces personnes est très discutable, comme le montre l’ascension sociale, progressive, d’originaires des Antilles ou d’Extrême-Orient. Ou alors il faudrait rappeler que le racisme est loin d’être à sens unique, que le racisme anti-blanc, très répandu, est un facteur gênant gravement l’entrée dans la société d’accueil. Mais bien entendu, ne peut conduire qu’à des impasses la renonciation implicite et hypocrite au modèle d’assimilation pour un modèle d’intégration de communautés censées entrer dans la collectivité nationale avec des signes particulièrement ostensibles – et dont l’affichage fait partie des moyens de pression des plus sectaires sur les autres (port du tchador dans les lieux publics, y compris les universités) – ou avec des privilèges contraires à la loi ou au droit commun (foyers polygames, interruption du travail plusieurs fois par jour pour les prières, menus spéciaux dans les écoles, etc..) L’échec des modèles d’intégration en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas prouve que le communautarisme explicite n’a pas de meilleurs résultats que l’implicite. Mais l’un comme l’autre comportent un fort risque de clivage surmoïque, voire dans certains cas de formation d’un surmoi radicalement antagoniste à la société dans son ensemble.

En témoigne le sentiment de supériorité de populations d’origine musulmane – estimant détenir la vérité religieuse absolue et l’exclusivité de la pudeur – sur la civilisation occidentale, judéo-chrétienne, ouverte aux autres cultures et acceptant la promiscuité sexuelle. Les mêmes estiment, que cette civilisation est prête à subir passivement une reconquête musulmane de l’Europe, pourvu que celle-ci ne s’annonce pas dans les langues européennes. Ainsi beaucoup de ces « jeunes », pas forcément marqués à priori par l’islamisme, sont-ils amenés à des identifications massives avec les communautés musulmanes de différents pays, en conflit ouvert avec la civilisation occidentale. Alors qu’en France, dans les rares cas où les pouvoirs publics ne regardent pas d’un autre côté, la justice acquitte généralement les rappeurs lançant des appels au meurtre, ces pays, ces communautés, apparaissent comme animées d’un dynamisme triomphant et insolent, comme c’est le cas de l’Iran et de la manière dont ce pays se joue de la passivité occidentale, comme c’est aussi le cas des mouvements terroristes palestiniens. Ainsi ces modèles servent-ils de critères non seulement à des jeunes issus de l’immigration, mais à d’autres qui se convertissent, attirés par cette vigueur et cette arrogance mêmes, en même temps qu’ils compatissent avec de soi-disant victimes, voire participent à des actions terroristes. (...)




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